Avertissement :
Comme leurs noms l’indiquent, tous les personnages de ce texte de fiction sont
fictifs. Si les événements décrits dans cette page semblent plus vrais que
nature, c’est parce qu’ils le sont : dans la réalité, tout est moins
simple. Cela dit, même lorsqu’elles ne sont pas délibérées, les ressemblances
avec des personnes ou des événements réels sont, probablement, inévitables.
Monsieur de
Bornay consentez-vous à prendre pour épouse monsieur Mamadou Bonobo ?
Non.
Que
dites-vous ? !
Je dis
non !
Voyons...
réfléchissez : vous ne pouvez pas dire non maintenant ! On
n’interrompt pas un mariage civil sans raison sérieuse. Vous faites perdre un
temps précieux à un officier d’état civil membre du PS, de la LDH et du MRAP.
Vous bafouez les valeurs de la République ! C’est extrêmement grave !
Mais
je ne suis pas volontaire pour être ici ! Des officiers de la B.A.R. (
Brigade anti-raciste) de Nanterre sont venus me chercher à mon domicile et
m’ont emmené jusqu’ici sous escorte ! Voyez : ils sont à la porte et
me surveillent !
Certes.
Mais si vous aviez fait preuve de bonne volonté, nous n’en serions jamais
arrivés là.
Mais
je ne veux pas me marier !
Attendez,
je reprends votre dossier... Voyons... Vous dites ne pas vouloir vous marier,
mais vous êtes inscrit sur Meetic.fr !
Je me
suis inscrit voici sept mois. Maintenant, j’ai changé d’avis.
Eh
bien, peut-on savoir les raisons de ce revirement ?
Euh,
disons que le courant n’est pas passé avec Mamadou... J’ai quand même le droit
de choisir mon épouse !
Certes,
c’est un droit légitime. Pendant les siècles où régnait l’obscurantisme
religieux, les mariages forcés étaient monnaie courante. Heureusement, la
République, le Front de Gauche,la LDH et le Mrap ont mis fin à ces pratiques
rétrogrades. C’est un réel progrès pour l’Humanité.
Alors
je ne vois pas où est le problème ! Je ne veux pas me marier avec Mamadou !
Ce
n’est pas si simple, car monsieur Bonobo, lui aussi, a des droits, des doigts
de l’ôm comme il dit. Il a répondu positivement à votre demande sur meetic.fr.
Vous devez donc présenter des arguments valables pour rejeter sa candidature.
Si je reprends votre dossier, je vois qu’il correspond en tout point aux
critères que vous aviez précisés dans votre annonce : personne
affectueuse, aimant la lecture, la nature et les enfants. Vous avez le bon
profil, monsieur Bonobo ?
Oh
oui, monsieur le maiwe. J’appwends à liwe dans une classe de soutien et j’aime
ça ! Et la natuwe, je connais bien : j’ai vécu dedans les arbwes
depuis ma naissance ! Et tous les hommes de mon village disent que je suis
affectueux ! Et j’adowe les enfants sutout les petits gaçons !
Vous
voyez, monsieur de Bornay tous les critères de l’annonce sont satisfaits !
Ils ne
sont pas complets. J’avais été plus précis dans ma description.
Stop !
Je vous interromps avant que vous ne commettiez l’irréparable en prononçant
l’indicible ! La loi initiée par Jean-Loup Branloo et les Gay-sots Labius
et Coupé, sinistres de la Collusion sociale est claire : dans le but de
lutter contre les discriminations, il est interdit de faire mention de l’âge,
du sexe, de la nationalité, du genre et bien évidemment de l’origine ethnique.
Tout détail concernant la morphologie corporelle ou la santé est également
proscrit.
Oui,
bien sûr. Mais je conserve quand même ma liberté de choix !
Certes.
Cependant, je dois vous rappeler qu’une autre loi,à l’initiative du président du
soviet suprême Jean Crétin Méchancon dite de lutte contre l’exclusion, autorise
toute personne subissant une pratique discriminatoire dans les domaines de
l’emploi, du logement ou des loisirs, à porter plainte auprès du Procureur de la
République. C’est alors à l’accusé d’apporter la preuve qu’il avait de
sérieuses raisons d’opposer un refus au plaignant. Un amendement récent à
l’initiative du MRAP ( Mouvement pour le Respect et l’Allégeance aux Pédérastes)
a élargi le domaine d’application de la
loi au cas du mariage. Monsieur Bonobo a déposé une plainte contre vous. Vous
devez exposer les raisons qui motivent votre refus.
...Silence
de maure….
Le
mandat de maire socialiste et de commissaire politique me donne également le
pouvoir d’un officier de police judiciaire. Si vous refusez de parler, je
demanderai aux deux représentants de la B.A.R. ici présents de vous
interpeller. Je vous somme de répondre !
Je ne
le trouve pas à mon goût
Quoi ? !
Vous n’aimez pas les traits de son visage, ni sa couleur de peau ? Faites
attention à votre réponse. Tout ce que vous direz sera retenu contre vous.
Non,
non. Je n’ai rien contre son visage ou sa couleur de peau.
Vous
n’êtes pas rebuté par son physique, j’espère ?
Euh,
non.
Alors,
quoi ? Répondez !
Eh
bien, disons que c’est d’un point de vue intellectuel... Oui, c’est ça :
ce n’est pas physique, c’est intellectuel !
Vous
le trouvez intellectuellement inférieur ? Vous estimez ce pauvre garçon
issue d’un milieu défavorisé indigne de vous parce qu’il n’a pas eu la chance
d’aller à l’école pendant son enfance ?
Non,
non ! Ce n’est pas ce que je veux dire ! C’est sa personnalité qui ne
me convient pas. Euh, nous n’avons pas les mêmes goûts, voilà ! Les goûts
et les couleurs, ça ne se discutent pas !
Ha,
ha... Vous avouez : c’est une question de couleur !
Ce
n’est pas ce que j’ai dit ! Vous déformez mes propos !
Maintenant,
ci-devant Bornay écoutez-moi bien. La République populaire de France a été
patiente avec vous, mais il y a des limites. Si vous croyez que nous
plaisantons, je vais vous raconter une histoire édifiante. La semaine dernière,
un ignoble individu aux tendances d’extrême droite s’est trouvé dans le même
cas que vous. Une agence matrimoniale lui avait déniché le conjoint
idéal : un jeune artiste du NPA tendre et attentionné, plein d’humour,
séropositif. Le suspect ne voulait pas se marier avec ce jeune esthète,
invoquant tout comme vous des prétextes fallacieux. Nous l’avons interrogé, démocratiquement,
et il a fini par avouer les raisons de son refus : il ne voulait pas épouser
un homme, qui plus est séropositif ! L’affaire a été vite réglée :
dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate, il a été condamné pour
homophobie à deux ans de prison ferme et cinq ans de mise à l’épreuve avec port
d’un bracelet électronique et privations de droits civiques. Dans votre cas,
s’agissant de racisme, la loi des camarades députés P. Mesrats, Mouloud-Raounitte Leffourbe et Cricri Alarue
doublera la peine. Vous savez, ça ne m’amuse pas de faire condamner les gens.
Dans la société évoluée qui est la nôtre, je préfère la persuasion à la
répression... Mais je vois votre témoin commis d’office qui demande la parole.
Allez-y, monsieur, nous vous écoutons.
Merci
monsieur le maire. En tant que témoin, je voudrais apporter mon témoignage, ce
qui est bien naturel. Je suis marié depuis cinq ans avec un homme d’origine
africaine - je sais, je n’ai pas le droit de citer son origine, mais c’est pour
la bonne cause. Tout se passe bien. Nous sommes heureux ensemble. Nous sommes
comme tous les autres couples : il n’y a pas de différence.
Ah,
vous voyez ! Tous les hommes sont égaux ! Epouser celui-ci ou un
autre, quelle est la différence ?
Mais
je n’ai pas envie de me marier avec lui !
Vous
êtes puéril ! Un vrai gamin ! Je n’ai pas envie, je n’ai pas envie...
Avec des raisonnements pareils, ni la Turquie, ni la Tunisie, ni le Maroc, ni
l’Egypte et l’Algérie, ni la Côte d’Ivoire et le Cameroun n’auraient jamais pu
adhérer à l’Union européenne. Le « non » l’aurait emporté contre le
sens de l’Histoire. Heureusement que tous les citoyens ne sont pas comme
vous ! Heureusement qu’ils réfléchissent en termes de critères objectifs
d’admissibilité et sans préjugés raciaux.
Et surtout,
heureusement que nous sommes là, nous les zélus, pour leur montrer la voie.
Votre demande est donc irrecevable. Monsieur de Bornay et Mamadou Bonobo, je
vous déclare unis devant la République démocratique et populaire de France. Monsieur
Bonobo, puisque tel est désormais votre nom, je vous laisse ma carte. J’exerce
subséquemment en plus et en effet la profession d’avocat membre du SAF, du MRAP
et de la LDH. Le divorce à l’amiable est un grand progrès de notre société :
autant en profiter ! Monsieur Bonobo m’a déjà parlé de votre penchant
hétérosexuel et il souhaite se mettre à l’abri de la menace que vous représentez
pour son équilibre. Attendu que vous êtes le fautif, attendu que votre attitude
résulte de l’appartenance vraie ou supposée de la victime à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée, vous vous en sortirez avec une
pension alimentaire égale aux trois quarts de vos revenus, la résidence
principale restant évidemment à votre futur ex-époux Avez-vous quelque chose à
ajouter ?
...
Ingrat !
Vous pourriez au moins remercier la République pour les bienfaits qu’elle vous
accorde. Affaire suivante ! Euh... je veux dire... mariage
suivant !
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